En 1946, la SNCF soumet à l’homologation du ministère des Transports un certain nombre de propositions concernant les tarifs et le trafic marchandises. La plus importante est, sans conteste, la modification du régime d’acheminement des transports de marchandises déjà mise en application le 1er janvier 1946.
« Jusqu’au 1er janvier 1946, les transports par chemins de fer se faisaient, exception faite des petits colis et des animaux vivants, au choix de l’expéditeur, sous deux régimes extrêmement différents, tant en ce qui concerne le mode d’acheminement qu’en ce qui concerne les prix :
• la grande vitesse [GV], qui comportait un acheminement rapide, mais – abstraction faite du cas des denrées périssables – des prix de transport généralement élevés ; ce régime de transport concernait toutes les marchandises dont la nature exigeait un acheminement rapide ou dont la valeur pouvait supporter des prix de transport élevés ;
• la petite vitesse [PV], qui offrait, au contraire, des prix moindres, mais un acheminement plus lent ; sous ce régime étaient transportées toutes les autres marchandises, aussi bien les produits ordinaires de faible valeur pour lesquels la rapidité d’acheminement était un facteur secondaire, que les marchandises (telles que les produits alimentaires, l’épicerie, le mobilier, les produits fabriqués) supportant difficilement les prix de la GV, mais pour lesquelles la vitesse d’acheminement pouvait être, au contraire, un élément essentiel.
« Partant du principe que la vitesse d’acheminement devait être fonction de la nature de la marchandise et non pas, comme par le passé, laissée au libre choix de l’expéditeur, le chemin de fer a été amené à réviser ses conceptions en matière d’acheminement.
De là est née l’idée de la généralisation de la « Vitesse Unique » qui existait déjà pour les petits colis et les animaux vivants : cette réforme entraîne donc la disparition des notions de « Grande Vitesse » et de « Petite Vitesse » qui remontaient à l’origine des chemins de fer. Maintenant, sans que l’expéditeur ait le choix de l’acheminement, les marchandises sont acceptées au transport à l’un des deux régimes ci-après : « régime accéléré » [RA] ou « régime ordinaire » [RO].
« Bénéficient, d’office, du régime accéléré :
• tous les trafics de détail : petits colis, colis familiaux, ainsi que les expéditions de détail rangées dans les deux premières séries par la Classification générale des Marchandises, à l’exception, toutefois, des emballages vides taxés aux prix des tarifs spéciaux 25 et 26 ;
• les denrées transportées aux prix et conditions du tarif 103 et les animaux vivants ;
• les finances, valeurs, objets d’art et de valeur ;
• les wagons complets du Tarif général chargés de marchandises des première et deuxième séries, parmi lesquelles se trouvent notamment les produits fabriqués ;
• les groupages de marchandises, les envois en camions et en remorques rail-route, les envois en cadres ressortissant aux deux premières séries, les véhicules routiers et le matériel assimilé ;
• les envois de certaines marchandises (sur toutes ou sur certaines relations) qui, par leur nature, exigent un régime de transport rapide : le mobilier, la bière, par exemple. « Le régime ordinaire s’applique à toutes les autres marchandises qui restent soumises aux délais de la petite vitesse ; c’est notamment le cas des pondéreux, des matières premières, des produits agricoles et industriels lourds qui bénéficient d’une tarification très basse et pour lesquels un acheminement rapide a moins ou peu d’intérêt.
« L’expéditeur a, néanmoins, pour un transport déterminé relevant normalement de l’acheminement ordinaire, la possibilité d’obtenir le bénéfice de l’acheminement accéléré. Mais, dans ce cas, il est dans l’obligation d’acquitter un supplément de prix, qui est d’ailleurs notablement plus réduit que celui qui était autrefois exigé pour passer du tarif PV à celui de la GV (1). »
(1)- SNCF. Rapport du directeur général au conseil d’administration sur le fonctionnement des services au cours de l’Exercice 1946, p. 28.
Le RO et le RA sont abandonnés à leur tour le 1er novembre 1989 lors de l’entrée en vigueur du projet ETNA (évolution technologique pour un nouvel acheminement) qui a pour vocation de proposer aux chargeurs, dans le cadre d’un plan de transport unique, un traitement individualisé des wagons en fonction du délai d’acheminement souhaité (de deux à six jours à compter du jour de remise).
« Du point de vue de l’exploitation technique, la réforme se caractérise par la création, pour le transport des marchandises, de deux plans d’acheminement totalement distincts.
Le plan correspondant au régime ordinaire de transport est établi sensiblement sur les bases de l’organisation des transports de petite vitesse d’avant guerre, avec une politique de grands triages el de trains lourds pour obtenir les meilleures conditions possibles d’utilisation des moyens de traction.
Le plan correspondant au régime accéléré de transport procède de l’organisation des transports de grande vitesse d’avant guerre, mais il en diffère sur un point essentiel par le fait qu’en principe il ne doit plus être fait d’emprunt des trains de voyageurs. Des trains de messageries à grand parcours relient régulièrement entre eux les centres importants de trafic (gares-centre) où sont concentrés les chantiers de triage spéciaux au régime accéléré et les halles de transbordement, généralement confondues avec les halles locales de la gare-centre ou tout au moins contiguës à ces dernières. De la sorte, on réduit au minimum les escales intermédiaires pour tout le trafic des gares-centre qui représente la grosse majorité du trafic total, et c’est par cette suppression des escales, beaucoup plus que par l’accélération des trains, qu’on gagne du temps dans les acheminements. Le reste du trafic est acheminé par des trains locaux de messageries circulant en étoile autour de chaque gare-centre. »
Notre trafic, n° 12, janvier 1946
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