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Exposition en ligne

Les femmes et le train

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Présentent

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Exposition réalisée par Bergenie Epiphanie VOUFFO,

étudiante à l'université d'Evry.

Graphisme Marion Cochat, www.sea-shape.com

Avec le soutien financier du conseil départemental de l'Essonne.

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Une exposition pour réfléchir à l'évolution des conditions sociales, économiques et politiques qui ont affecté la vie et le travail des femmes...

Une exposition pour célébrer la contribution souvent oubliée des femmes dans les métiers ferroviaires et surtout pour dire merci. Merci à toutes ces bâtisseuses qui ont, au fil du temps, pu briser le plafond de verre, enjambé, emjambent encore pas mal d'obstacles. Merci à ces gardes-barrières, cheminotes, chef de gare, infirmières, cadres supérieures... qui n'ont rien lâché (et continuent à ne rien lâcher) et qui devraient être, pour cette génération de femmes et d'hommes en quête de repères, de véritables modèles. Oui, parce que la représentation est importante : elle permet de rêver, de se projeter, d'imaginer, de se construire et enfin de concrétiser.

« Les femmes et le train » parce que, encore aujourd'hui, les femmes sont invisibles ou mal représentées dans les métiers ferroviaires. Les sciences et les technologies prennent une place prépondérante dans notre société, le débat sur la disparité des genres dans les métiers scientifiques et techniques s'intensifie. Associé au train, qui est à la fois symbole d'évolution sociale et d'émancipation de la femme, il acquiert une résonance toute particulière. Le fil conducteur de cette exposition (chronothématique) repose sur la place de la femme dans l'univers du rail. L'angle historique s'intéresse à la place de la femme dans les métiers ferroviaires. L'angle thématique pose un regard sur la femme comme passagère.

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En France, c’est entre 1827 et 1834 que sont mises en service les premières lignes de chemin de fer initiées pour le transport des houilles du bassin minier de Saint-Etienne. Construite entre 1830 et 1833 par Marc Seguin, la ligne de Saint-Etienne à Lyon permet l’expérimentation de la traction à vapeur (1831) – qui supplante progressivement le recours aux chevaux.

Ouverte en 1837 sous l’impulsion des frères Pereire, la ligne de Paris à SaintGermain, conçue uniquement pour le transport des voyageurs, fait figure de « ligne-école » de par sa modernité. Elle sert de modèle aux premières grandes lignes destinées à irriguer le territoire. Se dessine ainsi le réseau « en étoile » centré sur Paris, défini par la loi Legrand de 1842.

Sous Napoléon III, la longueur du réseau est multipliée par six. En 1870, toutes les grandes villes sont reliées à Paris. Sous son autorité, on assiste également à la concentration des entreprises concessionnaires : le nombre des compagnies exploitantes est ramené de trente-trois en 1851 à six en 1859. À ces « grands réseaux » – Nord, Est, Paris-Lyon-Méditerranée (PLM), Paris-Orléans (PO), Midi et Ouest – s’adjoint en 1878 celui de l’Administration des chemins de fer de l’État, qui regroupe les lignes de dix compagnies concessionnaires défaillantes nées de la volonté exprimée en 1862 de redonner une place à de plus petites entités.

Cette Administration sera encore chargée de reprendre l’exploitation des lignes de l’Ouest racheté par l’État en 1908 pour cause de faillite : on parlera dès lors du réseau de l’Ouest-État.

Entre 1870 et 1914, la longueur du réseau national passe de 17430 km à 39400 km. C’est là le résultat de la loi Freycinet de 1879 qui, pour des raisons politiques, stratégiques et économiques, impose aux grands réseaux la création de 9000 km de lignes nouvelles. L’absence de rentabilité de nombre de ces lignes, provoque des difficultés budgétaires croissantes pour les compagnies, en dépit de l’aide de l’Etat. Conséquence de la guerre de 1914, les réseaux – grossis en 1919 de celui de l’Administration des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine (AL) – sont tous déficitaires en 1920. Leur situation est encore aggravée par la récession économique des années 1930 et l’émergence d’un concurrent redoutable, la route.

C’est dans ce contexte que survient en 1937 la «nationalisation» des chemins de fer français par intégration des sept réseaux au sein d’une entité unique ; la Société nationale des chemins de fer français (SNCF)

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Si l’on en croit l’économiste Paul Leroy-Beaulieu (Le travail des femmes au XIXe siècle, 1873), c’est aux Compagnies françaises de chemins de fer qu’appartient l’honneur d’avoir ouvert la voie à l’admission des femmes au sein de ces entreprises. Non sans réticence, à l’exemple de la Compagnie de l’Est :

« Ce n’est pas sans une certaine appréhension, il faut le reconnaitre, qu’en introduisant pour la première fois comme distributrices-receveuses dans les gares, des veuves ou orphelines d’agents, les Compagnies prirent l’initiative de cette innovation hardie. On devait redouter, en effet, par la réunion de personnes des deux sexes dans un même service et dans des locaux presque communs, de compromettre à la fois la discipline et la morale. On pouvait également d’autre part, sans faire injure aux qualités intellectuelles de la femme, conserver quelques doutes sur son aptitude à remplir convenablement des fonctions aussi nouvelles, dont les difficultés s’aggravent encore aux yeux des titulaires par le sentiment d’une responsabilité sérieuse. »

Marcel Lemercier, « De l’emploi des femmes dans les chemins de fer français, et spécialement à la Compagnie de l’Est » Revue générale des Chemins de Fer, Janvier 1885

Les femmes représentent 7,4 % des effectifs des grandes Compagnies en 1866, 9,7 % en 1912. Elles sont versées pour leur très grande majorité au service Voie et Bâtiments en tant que gardes-barrières.

En 1914, sur les 29 100 employées, 26 117 sont gardes-barrières.

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En France, c’est entre 1827 et 1834 que sont mises en service les premières lignes de chemin de fer initiées pour le transport des houilles du bassin minier de Saint-Etienne. Construite entre 1830 et 1833 par Marc Seguin, la ligne de Saint-Etienne à Lyon permet l’expérimentation de la traction à vapeur (1831) – qui supplante progressivement le recours aux chevaux.

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La loi du 15 Juillet 1845 sur la police des chemins de fer arrête que « partout où les chemins de fer croiseront de niveau les routes en terre, des barrières seront établies et tenues fermées, conformément aux règlements ». Le développement rapide du réseau ferroviaire contribue à la multiplication des passages à niveau. Assurer leur garde échoit initialement aux agents chargés de la surveillance et l’entretien de la voie. Mais ceux-ci étant souvent appelés à se déplacer, les compagnies recourent rapidement à leurs conjointes pour pallier leurs absences De nombreuses épouses intègrent ainsi les chemins de fer. Elles demeurent cependant sous la dépendance de leurs époux qui, en tant que titulaires « officiels » de l’emploi, restent responsables de leurs actes. De plus, le produit de leur travail – de cinq à dix fois inférieur - vient habituellement s’ajouter au traitement de ces derniers.

Bénéficiant d’un logement (généralement très rustique) et d’un jardin attenant, ces couples de «  cheminots paysans  » font souvent l’objet de jalousies. À tort si l’on se réfère au portrait laissé par Edouard Siebecker (Physiologie des chemins de fer, 1867) :

« Elle a 200 à 300 fr. d’appointement, une petite maisonnette et un jardinet. Entre deux convois, elle veille à son ménage, aime son mari, fait des enfants, les allaite, les élève, les marie et s’endort du sommeil éternel, après avoir vu le monde passer sous ses yeux, mais sans l’avoir connu. »

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« La société du XIXème siècle se montre très critique au regard du travail des femmes notamment dans l’industrie (l’activité agricole est jugée davantage compatible avec la place de la femme dans la société. Une étonnante conjonction réunit les femmes qui ne travaillent pas à l’extérieur (afin de valoriser les tâches ménagères), la « morale dominante » (qui dénonce la promiscuité des établissements, l’abandon des enfants et l’affaiblissement de la cellule familiale) ou encore les ouvriers (qui identifient une menace s’agissant de leur rémunération). »

Garde-barrière manœuvrant le treuil d’un passage à niveau manuel avec voyant lumineux rouge. 1969-09-01. SNCF-Mediathèque - Yves Bouchet

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Garde-barrière commandant l’arrêt à un train de fret avec une torche à flamme rouge. 1969-10-01. SNCF-Mediathèque - Droits réservés

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Salle de peigneuses rectilignes Heilmann pour la laine (1889).

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Une minorité de femmes, est employée au même titre que les autres agents des Compagnies, c’est-à-dire titulaire de son emploi. La plupart sont préposées aux tâches administratives.

«  Les compagnies des chemins de fer emploient des femmes dans leurs bureaux. Elles sont principalement employées aux titres, à la statistique, à la comptabilité et à la distribution des billets. Les administrations accordent de préférence ces emplois aux femmes, filles ou sœurs de leurs employés, mais cette condition n’a rien d’absolu. Les aspirantes subissent un examen portant sur l’écriture, l’orthographe, l’arithmétique et la géographie. Les brevets ne dispensent pas de cet examen, mais il est évident que celles qui en possèdent ont généralement plus de chances de succès.. »

François Tulou, Guide pour le choix d’une profession à l’usage des jeunes filles et des dames : les professions des femmes, 1909.

Parmi les employées titulaires, quelques-unes ont la charge de l’entretien des « cabinets d’aisance » dans les gares. Ces « dames pipi » sont essentiellement des veuves d’agents décédés en service. Elles côtoient une autre catégorie d’employées « indépendantes » : les gérantes de buffets ou de bazars, les bibliothécaires.

Bénéficiant d’un logement (généralement très rustique) et d’un jardin attenant, ces couples de «  cheminots paysans  » font souvent l’objet de jalousies. À tort si l’on se réfère au portrait laissé par Edouard Siebecker (Physiologie des chemins de fer, 1867) :

Garde-barrière manœuvrant le treuil d’un passage à niveau manuel avec voyant lumineux rouge. 1969-09-01. SNCF-Mediathèque - Yves Bouchet

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Feuille de renseignements à l’appui d’une demande d’emploi -  poste occupé aux écritures.

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Feuilles signalétiques faisant état des bonnes notes obtenues en temps que factrice aux écritures.

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Une minorité de femmes, est employée au même titre que les autres agents des Compagnies, c’est-à-dire titulaire de son emploi. La plupart sont préposées aux tâches administratives.

Parmi les employées titulaires, quelques-unes ont la charge de l’entretien des « cabinets d’aisance » dans les gares. Ces « dames pipi » sont essentiellement des veuves d’agents décédés en service. Elles côtoient une autre catégorie d’employées « indépendantes » : les gérantes de buffets ou de bazars, les bibliothécaires.

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Dès le début de la Première Guerre mondiale, les Compagnies doivent faire face à une pénurie de main-d’œuvre. Pour répondre à la mobilisation partielle ou totale d’une partie de ses agents et aux besoins croissants liés à la conduite de la guerre, elles sont vite contraintes à recourir au travail féminin pour effectuer des tâches jusque-là dévolues aux hommes. Le nombre des femmes augmente de manière considérable passant de 29 100 personnes au 1 er janvier 1914 à 50 900 au 1er janvier 1919, soit 16 % des effectifs réguliers. C’est à partir de 1915, surtout, que les Compagnies recourent massivement à la main-d’œuvre féminine. Celle-ci répond à deux impératifs distincts : pallier les emplois spécifiquement ferroviaires et participer aux fabrications intéressant la défense nationale, notamment dans le domaine de l’armement.

Un exemple typique nous est fourni par le réseau PLM avec la généralisation de l’emploi des femmes dans les bureaux, pour les opérations de contrôle aux portes d’accès aux quais, dans les lampisteries. Par la suite, leur rôle s’est étendu au fichage des colis et à leur manipulation, au service du block (signalisation), au nettoyage des matériels roulants. Parallèlement, le réseau répond aux besoins des armées en mobilisant ses ateliers pour lesquels il recrute une main-d’œuvre féminine complémentaire de « conductrices de machines-outils », « aides-soudeuses », « aides-ajusteurs »..., d’où l’expression de « cheminotes en usine »

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Atelier de Paris ajustage de machines à raboter. Femmes travaillant sur les machines à raboter dans les ateliers lors de la Première Guerre Mondiale. 14/04/1917. Médiathèque SNCF.

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Atelier de Paris, chaudronnerie de cuivre. Soudage des tubes à fumée par des femmes lors de la Première Guerre Mondiale.

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Avec la fin de la guerre et le retour des hommes, les démissions et les licenciements du personnel féminin non titulaire se multiplient, notamment au lendemain de la grève de 1920. Dans les années qui suivent, le taux de féminisation décroît jusqu’à celui d’avant-guerre, soit 10 % du personnel régulier. Dans l’immédiat après-guerre, apparaît au sein du monde ferroviaire un nouveau corps de métiers plus spécifiquement orientés vers l’action sociale. Jusqu’alors ce rôle était tenu par des religieuses, des infirmières salariées ou des dames d’œuvres bénévoles.

Ce personnel, peu coordonné et aux pratiques empiriques, cède progressivement la place à des diplômées issues d’écoles spécialisées : surintendantes, assistantes sociales, infirmières-visiteuses. Les réseaux du Paris-Orléans et du Nord ont été les précurseurs en la matière. À la veille de la création de la SNCF en 1937, le nombre des travailleuses sociales, toutes compagnies confondues, est de 86.

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La main-d’œuvre féminine est une fois de plus fortement sollicitée pendant la Deuxième Guerre mondiale, tant pour le fonctionnement du chemin de fer que pour les besoins de la défense nationale. À la lumière de l’expérience de 1914-1918, la SNCF considère même que « les femmes peuvent arriver à des rendements supérieurs à ceux des hommes dans des travaux convenants à leurs aptitudes physiques et psychologiques » (travaux demandant de la rapidité, mais exigeant peu d’efforts dans les gestes).

Face à l’occupant, le monde cheminot a été l’un des plus actifs dans la résistance organisée. Quoique moins visible, l’action des cheminotes n’en est pas moins une réalité. Dix ont péri de la répression menée les autorités nazies et par le régime de Vichy durant cette période. Sept sont victimes des massacres liés à des représailles allemandes entre juin et août 1944, trois sont mortes en déportation pour fait de résistance. Parmi elles, Hélène Oster, factrice aux écritures à Paris Est, arrêtée en 1941 par la police française pour activité communiste et livrée aux Allemands après avoir été révoquée par la SNCF.

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Lettre du Ministère de la Production industrielle et des communications adressée à la Direction des Chemins de fer au sujet de l’utilisation de la main-d’œuvre féminine par la SNCF. Au 31 janvier 1944, les femmes représentent 11,5% de l’effectif global de la SNCF. RÉF. : 0505LM0184/005. 1944-03-28. CNHA.

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Le travail des femmes redevenu une nécessité avec la 2ème guerre mondiale, comme l'atteste cette couverture de Notre Métier du 15 avril 1940.

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Si à la fin de la guerre, la plupart des femmes ont pu conserver leur emploi, notamment au sein des ateliers, la SNCF redonne la priorité au recrutement des hommes. Elle considère que les métiers ferroviaires restent des métiers de force et que les dispositions relatives au travail des femmes (interdiction du travail de nuit par exemple) sont un obstacle à leur emploi. Le parcours professionnel de Blanche Le Thessier, première femme fonctionnaire supérieure à la SNCF, partie en retraite en 1953, reste une exception.

Les décennies 1970-1980 sont marquées par un changement profond dans la société française en ce qui concerne la place de la femme. Un arsenal juridique est mis sur pied pour encadrer et promouvoir l’égalité des sexes. En 1975, une loi sanctionnant les discriminations liées au sexe à l’embauche est promulguée et en 1983 l’égalité professionnelle entre femmes et hommes est reconnue juridiquement. De fait, le recrutement des femmes s’accélère au début des années 1980 certains métiers et fonctions, jusqu’alors réservés aux hommes, leur sont désormais accessibles : - 1983, Sylvie Guedeville devient la première femme conductrice (et première femme conductrice de TGV en 2003) ; - 1992, Yannick Moreau est la première femme à accéder à la direction générale de la SNCF en tant que directrice générale adjointe chargée des Ressources sociales et des Ressources humaines.

Signe des temps, la présidence de la SNCF est assurée par Anne-Marie Idrac de 2006 à 2008. Cependant, en 2005, la population féminine de la SNCF ne représente toujours que 17,1  % des effectifs. Une proportion encore trop faible à laquelle l’entreprise décide de remédier par la signature en 2006 d’un premier accord favorisant la mixité professionnelle entre femmes et hommes. Un deuxième accord est signé à l’été 2012. Il est suivi le 29 novembre de la première édition du « Girl’s Day » qui renforce la dynamique : 3000 collégiennes et lycéennes sont accueillies dans des établissements SNCF pour découvrir des métiers encore largement masculins. Un troisième accord est signé en 2015. En parallèle, est créé en janvier 2012, le réseau « SNCF au féminin » qui vise à renforcer le rôle des femmes dans le groupe ferroviaire. En 2017, seuls encore 20,5  % des personnels SNCF sont des femmes, concentrées essentiellement dans les métiers administratifs (62  % des effectifs globaux) et commerciaux (47,6 %). En dépit des efforts déployés, les métiers de la Traction (6,2 %), de la Voie (4 %), du Matériel (3,3 %) restent encore sous représentés.

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Le train présente-t-il un danger pour la santé des voyageurs  ? De nombreux écrits ont traité du problème dans les décennies qui ont suivi son apparition. Il y est fait régulièrement mention des femmes qui, à toutes les périodes de leur grossesse, redoutent les mouvements de trépidations :

« qui parfois les agacent, les énervent, et les jettent dans une agitation nerveuse involontaire. »

Docteur de Pietra Santa, Santé publique. Hygiène des voyageurs et des employés, 1861

Une crainte que beaucoup minimisent, à l’exemple du docteur E. Soulé en 1866 :

«  Nul doute que le voyage en chemin de fer, comme celui par les voitures, ne puisse, ainsi qu’une foule d’autres causes, hâter le travail de l’accouchement, ou bien devenir l’occasion d’une fausse couche, et que chez les femmes arrivées au terme de leur grossesse ou qui ont eu une gestation pénible ou des fausses couches antérieures, il ne soit commandé de les éloigner des voyages. Mais de là à conclure que les chemins de fer font avorter, il y a une distance énorme. »

Docteur Eugène Soulé, Des voyages en chemins de fer envisagés au point de vue de leur action sur l’organisme et sur certaines prédispositions morbides, 1866

Et notre homme de préciser que depuis le début de l’exploitation des lignes du Midi (1855), seules sept cas de fausse couche ou d’accouchement ont été observés. L’actualité se fait encore aujourd’hui l’écho de situations similaires, même si l’opinion publique sur la question a changé, le dernier en date étant celui de la naissance, le 30 janvier 2019, d’un petit Kylian à bord d’un TGV Ouigo entre Paris et Strasbourg : 

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La femme objet de répulsion ou de désir. Dès sa création, le chemin de fer n’échappe pas aux schémas qui régissent notre société. Ainsi, du temps où les compartiments des voitures étaient clos, rigoureusement séparés les uns des autres, sans possibilité d’échappatoire (le couloir longitudinal ne s’imposera qu’à la fin du XIXe siècle), préserver sa tranquillité était une priorité pour beaucoup. Et pour certains, la femme, tout autant que les enfants, était synonyme d’ennuis. 

Dans son étude sur la Physiologie des chemins de fer, parue en 1867, Edouard Siebecker brosse, non sans ironie, ce comportement :

« Votre plus grande crainte est de voir une femme se diriger vers votre compartiment. Une femme ! Un être qui ne peut supporter la fumée, qui vous criera de fermer la fenêtre, si elle est sujette au rhume. Alors, jusqu’au moment du départ, il s’agit d’éloigner ces êtres importuns. Vous vous mettez à la portière avec votre cigare, vous tâchez de vous rendre laid, hérissé, vous jurez, vous sacrez et vous êtes l’être le plus heureux du monde, si vous voyez une jeune femme reculer, avec horreur, en apercevant votre tête, et s’élancer vers une autre voiture. »

À l’inverse, il dénonce le voyageur qui recherche délibérément une présence féminine :

«  Les mœurs ont tellement changé, que la jeune fille la plus innocente reculera avec défiance devant une simple politesse faite par un voyageur, sachant parfaitement qu’elle cache une arrière-pensée inavouable. Et elle aura raison : le plus grand désir de l’homme, s’il supporte une femme dans son compartiment, sera d’être seul avec elle et de se faire payer avec usure ses moindres attentions. Aussi nous ne pouvons trop engager les femmes voyageant seules à se placer dans les wagons réservés à leur sexe. »

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Voyager seule n’était pas toujours rassurant pour une femme prisonnière de compartiments entièrement clos, sans aucune communication entre eux. Outre les paroles et les gestes déplacés, elle devait affronter le sans-gêne – notamment leur propension à fumer – de certains de ces messieurs. D’où les mesures prises par certaines compagnies, dès 1846 pour le Nord, visant à leur réserver sur certains trains un compartiment spécial. De facultative, cette disposition devient obligatoire en 1863. Elle est étendue à tous les trains et à toutes les classes, y compris à la 3e classe jusqu’alors ignorée. Sage décision selon Pierre Giffard (La Vie en chemin de fer, 1888) pour qui cela se comprend :

«  … plus on descend l’échelle sociale, plus la brutalité de l’homme menace la femme, plus la femme a besoin d’être protégée. »

Ce qui n’empêche pas les compagnies de solliciter de nombreuses dérogations, notamment pour leurs lignes de banlieue pourtant les plus exposées aux incivilités. Mais, toujours selon Giffard, si les voyageuses apprécient les compartiments « Dames seules » lors de leurs trajets de banlieue, où elles se trouvent chaque jour.

«  avec les mêmes hommes, égrillards et polissons qui (leur) murmurent des saletés à l’oreille ou (les) auscultent d’une manière indécente. »

Toutes n’adhèrent pas inconditionnellement à cette ségrégation lorsqu’il s’agit de voyages au long cours.

«   Si vous les interrogez, elles vous répondront : – Oh ! les Dames seules ! Ne m’en parlez pas. On n’y voit que des figures en lame de couteau. Sitôt qu’une jolie femme entre là-dedans, elle est toisée, inventoriée, par un personnel spécial de vieilles rigoristes, de jeunes maniaques qui n’auraient pourtant rien à craindre si elles voyageaient seules avec un régiment d’artilleurs. »

Supprimés au cours de la Première Guerre mondiale en raison de la pénurie de matériel, les compartiments «  Dames seules  » disparaissent progressivement dans les années qui suivent le retour à la paix. Il existe toujours aujourd’hui ces compartiments dans les rares trains de nuit encore en circulation. Les femmes continuent aujourd’hui à faire face à des paroles, gestes déplacés de certains hommes. Selon une étude menée par la Fédération Nationale des associations d’usagers des Transports en 2016, 87  % des femmes sont concernées par les harcèlements sexistes, sexuels, agressions sexuelles ou viols dans les moyens de locomotion, dont le train. Le Haut conseil de l’égalité femme-homme quant à lui estime que 100 % de femmes ont déjà été harcelées dans les transports en commun. Pourtant seulement 2% de femmes portent plainte

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Face au sentiment d’insécurité dû aux harcèlements qui prévalent dans les transports en commun, le gouvernement, la SNCF, la RATP, Île-de-France Mobilités (ex-STIF) n’ont pas ménagé leurs efforts pour venir à bout du problème. Depuis mars 2018, la Région Île-de-France, Île-de-France Mobilités, la RATP et la SNCF ont conjointement lancé une vaste campagne de communication pour lutter contre les harcèlements dans les transports. Cette campagne vise à responsabiliser et impliquer les usagers dans la lutte contre ces comportements.

Elle informe notamment sur les différents outils mis à disposition pour signaler une situation de harcèlement  : le numéro d’alerte 3117, SMS 31177, l’appli 3117, les bornes d’appels, les agents présents dans les transports. Avant cette initiative, le secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations avait déjà lancé une campagne fin 2015 avec pour slogan « Face au harcèlement, n’attendons pas pour réagir ». En conclusion, il faut responsabiliser les usagers et ne pas se taire en cas de harcèlement.

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Ce lien entre les femmes et le train nécessiterait de développer une approche internationale notamment s’agissant de l’accès aux métiers dans leur diversité et dans leur hiérarchie.

Mais, il est à noter que les barrières cèdent devant l’évolution des sociétés.

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La SNCF poursuit une politique volontariste et un réseau « SNCF au féminin » s’est structuré en 2012. Progressivement (trop progressivement ?), des femmes émergent aux différentes responsabilités de l’entreprise (Blanche Le Thessier, première femme cadre supérieure, Mireille Faugère, première femme directrice d’une grande gare, celle de Paris-Montparnasse… ).

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S’agissant de lutte contre le harcèlement dans les transports, force est de constater que l’ampleur du phénomène n’a pas reçu de réponse suffisamment efficace jusqu’ici. Espérons que la récente mobilisation de la société à travers les réseaux sociaux permettra d’engagement un mouvement de fond sur ce sujet.

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  • Bernard Bourdet, Jacques Bureau, « L’histoire vraie des gardes-barrières », IHS CGT cheminots, Les Cahiers de l’institut, n° 16 spécial, 2e trimestre 2002, p. 1-69

  • Bernard Bourdet, Jacques Bureau, « L’histoire vraie des gardes-barrières… Suites », IHS CGT cheminots, Les Cahiers de l’institut, n° 17, 3e trimestre 2002, p. 19-21

  • Annie Brouder, Les cheminotes, L’Harmattan, 1997, 247 p.

  • Bruno Carrière, « Les “préposées à la salubrité” du chemin de fer du Nord en 1885 », Historail n° 3, septembre 2004, p. 101-103

  • Bruno Carrière, « Les compartiments “Dames seules” », Historail, n° 9, avril 2009, p. 80-85

  • Marie-Françoise Charrier, Élise Feller (sous la direction de), Aux origines de l’action sociale. L’invention des services sociaux aux Chemins de fer, Érès, 2000, 276 p.

  • Jean Falaize, Henri Girod-Eymery, Du Char à Bancs au TGV. 150 ans de trains de voyageurs en France, Éditions La Vie du Rail, 1982, 175 p.

  • Cécile Hochard, Les cheminots dans la Résistance, La Vie du Rail, 2011, 223 p.

  • Nicole Hulin, Les femmes et l’enseignement scientifique, Presses Universitaires de Paris, 2002, 227 p.

  • Patricia Lecomte, (photographies de), Elles. Portraits de cheminotes, SNCF direction des Ressources humaines, 2014, 62 p.

  • Catherine Omnès, Ouvrières, marchés du travail, parisiennes et trajectoires professionnelles au 20ème siècle, Éditions de l’École des Hautes études en Sciences sociales, 1997, 374 p.

  • Marie Monard, Mots d’elles. Paroles de cheminotes en Nord-Pas-de-Calais, Des ronds dans l’O, 2007, 64 p.

  • Luc Scheibling, Cheminote ou le syndrome d’Athéna. Réflexion sur la condition de la femme cheminote dans le Nord-Pas-de-Calais, Laisse Ton Empreinte, 2014, 54 p.

  • Femmes, nées au XIXe siècle, dans l’univers du rail (catalogue de l’exposition), Centre National des Archives du Personnel de Béziers (SNCF/SARDO), 2018, 25 p.

  • « L’emploi des femmes sous le PLM », Le Journal des transports, 11 mars 1916, p. 52.

« Les femmes et le train »

Une exposition réalisée par Bergenie Epiphanie VOUFFO, étudiante à l’Université d’Evry.

Dans le cadre d’un partenariat entre l’association Rails & histoire et la commune de Saint-Yon dans le cadre de son projet culturel (tacot-saintyon.fr)

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Adaptation numérique et mise en ligne réalisées par l'association Rails & histoire, 2023.

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